DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> Indépendance et Paix pour Le peuple Sahraoui: «L’autonomie est une marchandise périmée que Mohammed VI veut vendre à tout prix»

Indépendance et Paix pour Le peuple Sahraoui

dimanche, janvier 21, 2007

«L’autonomie est une marchandise périmée que Mohammed VI veut vendre à tout prix»

Courtois comme un vrai Sahraoui, Mohamed Abdelaziz, président de la République arabe sahraouie démocratique n’a usé ni de langue de bois ni de détour pour répondre à nos questions mercredi dernier à la résidence Djenane El Mithak. A son retour d’Amérique latine où il a assisté à la prestation de serment du président nicaraguayen Daniel Ortega et du président équatorien Rafaël Correa, et avant qu’il s’envole pour Tindouf, nous l’avons rencontré et avons pu avoir avec lui un entretien empreint de sincérité, et surtout de vérité
Samedi 20 Janvier 2007
Par Mohamed Khaled Drareni et Mekioussa Chekir
LA TRIBUNE : Monsieur le Président, la crise humanitaire continue de menacer la population sahraouie avec la raréfaction des dons alimentaires. Où en est la situation aujourd’hui ?
Mohamed Abdelaziz : Tout à fait, il y a une véritable crise alimentaire aiguë dans les camps de réfugiés sur le territoire algérien, nous souffrons d’un manque cruel de denrées alimentaires. Je pourrais même dire que la situation est réellement alarmante. Depuis l’invasion marocaine de 1975, date à laquelle l’administration coloniale espagnole s’est retirée de façon anarchique, ces réfugiés attendent la décolonisation de leur territoire, une solution juste et un référendum d’autodétermination comme promis par les Nations unies.Ce référendum est encore et toujours paralysé par le gouvernement marocain, mais il faut aussi reconnaître que la communauté internationale et que le Conseil de sécurité ainsi que les Etats influents n’ont pas exercé les pressions nécessaires sur le royaume du Maroc pour que ce dernier mette enfin un terme à la tragédie née de cette invasion. Il faut aussi se mettre à la place de ces réfugiés. Leur territoire national est en majorité occupé, le Maroc pille leurs richesses. A ce sujet, nous regrettons qu’un certain nombre de pays ainsi que l’Union européenne aient conclu des accords de pêche à travers lesquels le Maroc implique ces mêmes pays dans ce pillage. Donc d’une part, le Maroc entrave l’organisation du référendum et pille les richesses du Sahara occidental avec l’aide de quelques Etats et, d’autre part, il existe une grave crise de manque et même de rupture d’aides humanitaires pour les réfugiés.
Qui est derrière cet arrêt des aides humanitaires ? La politique marocaine est la première responsable, mais je pense que certains Etats exercent également quelques pressions sur des organisations internationales dépendantes de l’ONU, et sur des organisations humanitaires.
Monsieur le Président, vous parlez de plusieurs Etats qui contribuent au «pillage» et à l’exploitation des richesses sahraouies, quel rôle pouvez-vous jouer pour mettre fin à cela ? et particulièrement en ce qui concerne les hydrocarbures ?Au sujet des hydrocarbures et à ce jour, il n’y a pas d’exploitation pétrolière au Sahara occidental. Quelques compagnies ont conclu des accords avec le Maroc pour la prospection dans les eaux territoriales sahraouies, mais nous relevons que la plupart de ces compagnies ont résilié ces contrats. Un certain nombre d’entreprises américaines et norvégiennes notamment ont donc refusé d’être impliquées dans ce qui aurait ressemblé à une exploitation frauduleuse et de surcroît illégale des richesses sahraouies. Donc, sur ce sujet en particulier, il y a eu compatibilité parfaite avec ce que stipule le droit international. Mais ce qui nous inquiète et nous intéresse au plus haut niveau, c’est bien l’accord de pêche signé entre l’Union européenne et le Maroc. Car ce dernier peut bien profiter de cet accord pour justifier le fait que des navires européens puissent pêcher librement dans les eaux territoriales sahraouies. C’est la raison pour laquelle nous appelons les Etats européens à ne pas appliquer cet accord, du moins en ce qui concerne les eaux territoriales du Sahara occidental, jusqu’à ce que soit trouvée une solution définitive à la question de la souveraineté de notre territoire.
Mais quels sont les moyens de pression en votre possession pour empêcher ce que vous qualifiez d’exploitation ?La dernière décision juridique émise par le secrétariat général de l’ONU est on ne peut plus claire. Elle stipule que l’utilisation des richesses nationales sahraouies est un acte illégal jusqu’à l’autodétermination du peuple sahraoui. Cet élément est en soi un facteur de pression sur ces pays. Quelques parties ont aussi conclu des accords avec le Maroc, et se sont rétractées après avoir pris connaissance des règles stipulées par le droit international. Il est clair que l’Union européenne a conclu ces accords avec le Maroc suite aux pressions exercées par les gouvernements espagnol et français.Monsieur le Président, la diplomatie sahraouie a enregistré dernièrement des avancées certaines avec l’adoption de trois résolutions (Assemblée générale, Conseil de sécurité et Commission de décolonisation).
Que comptez-vous faire pour contrer le projet d’autonomie que compte présenter le Maroc ?Je vais revenir un peu en arrière. Depuis la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix, le plan de règlement était basé sur la résolution 104 adoptée par l’Organisation de l’unité africaine en 1984, et il était basé aussi sur l’accord conclu entre le Maroc et le Polisario ; et l’Assemblée générale de l’ONU ainsi que l’ensemble des institutions internationales se sont mises depuis à étudier la crise sahraouie sur la base de ces accords. Depuis la disparition du défunt roi Hassan II et l’arrivée du nouveau pouvoir au Maroc, nous avons assisté à une véritable reculade et à un reniement de tous les engagements du Maroc en ce qui concerne la recherche d’une solution au Sahara occidental.C’est pourquoi, cette question a été soumise au vote de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies une première fois en 2004. Les amis de l’autodétermination, les amis de la légalité internationale et les amis de l’expression libre et démocratique ont appuyé le droit du peuple sahraoui à choisir lui-même son avenir à travers une consultation référendaire libre et démocratique.Le gouvernement marocain s’est opposé à cette décision, tandis que cinquante Etats l’ont approuvée. Deux ans plus tard, c’est-à-dire en 2006, le nombre des Etats ayant voté en faveur de ce même texte est passé de 50 à 70. Aucun Etat, je dis bien aucun Etat n’a voté contre. Nous pensons qu’il y aura plus de pressions sur le gouvernement marocain, au niveau de l’Assemblée générale ou du Conseil de Sécurité, ou même au sein des Etats. Le cas de l’Afrique du Sud est un exemple en soi. Pretoria a reconnu la RASD (République arabe sahraouie démocratique) surtout du fait que le Maroc ne voulait pas appliquer le référendum d’autodétermination. Nous nous attendons aussi à ce que la communauté internationale exerce des pressions sur le Maroc pour qu’il mette fin à ses agissements contre les droits de l’Homme dans la partie occupée du Sahara occidental et devant son refus d’autoriser des délégations étrangères de visiter ces territoires.
Face aux succès incontestables de la diplomatie sahraouie, ne pensez-vous pas, Monsieur le Président, que le fait que certains Etats aient retiré leur reconnaissance de la RASD puisse affaiblir votre position ? Est-ce un échec pour vous ?Certains Etats ont suspendu leur reconnaissance de la République sahraouie, mais je pense que c’est très relatif face aux autres pays qui ont choisi, eux, de reconnaître l’existence de la République arabe sahraouie démocratique.Ce que je peux vous assurer, c’est que le Royaume du Maroc doit comprendre et déduire comme il l’a fait durant le règne du roi Hassan II, que c’est une affaire de décolonisation, et qu’elle ne sera réglée qu’en respectant le peuple sahraoui et son droit inaliénable à l’autodétermination. Le fait qu’un Etat retire sa reconnaissance, ou que des militants et des citoyens sahraouis soient arrêtés, ou les liquidations physiques de certaines personnes ne pourront pas nous ébranler. La résistance sahraouie se poursuivra sur tous les fronts diplomatique et populaire.
La bataille diplomatique est rude ?Bien sûr qu’elle est rude. L’indépendance d’un peuple colonisé n’est pas facile à arracher. Il faut qu’il y ait des sacrifices humains et financiers.
Et selon vous, Monsieur le Président, cette bataille tourne-t-elle au profit du Maroc ou au vôtre ?Nous disons que, puisque les Nations unies considèrent notre combat comme une affaire de décolonisation et qu’elles reconnaissent le doit de notre peuple à tracer son chemin et à choisir son avenir, et que jusqu’à cet instant aucun Etat au monde ne reconnaît la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental…
Même le Koweït ?Même le Koweït.
Le 13 décembre dernier, lors de sa dernière visite au Maroc, cheikh Sabah Al-Ahmad Al Jaber Al Sabah a bien déclaré que son pays reconnaissait la souveraineté du Maroc sur tout le territoire sahraoui…Lors du dernier vote à l’Assemblée générale, le Koweït s’est abstenu.
Mais il n’a pas voté pour…Oui, mais ne pas voter pour le texte ne signifie pas voter pour le Maroc.
Comment expliquez-vous, Monsieur le Président, le fait que 91 Etats se soient abstenus lors de ce vote à l’Assemblée générale de l’ONU ?Je le répète, ce vote a été un succès du moment que le Maroc n’a trouvé aucun Etat pour voter contre cette résolution. Aucun Etat n’a voté contre. Et le Maroc utilise cette appréciation particulière du vote pour tromper le citoyen marocain. Ses dirigeants mentent ouvertement à leur peuple. Ils lui disent que les pays abstentionnistes soutiennent le Maroc, ce qui est absolument faux. Ils mentent à leur peuple depuis 1975.Notre rôle est de dévoiler la vérité. Il ne faut pas oublier non plus que tous les Etats abstentionnistes ont justifié leurs abstentions. Je voudrais, si vous me le permettez, vous ramener un peu en arrière et vous faire une comparaison entre ce qui s’est déroulé en 2004 et ce qui s’est déroulé en 2006. En 2004, 50 Etats ont voté en faveur de ce texte, tous les Etats membres de l’Union européenne s’étaient alors abstenus. En 2006, le texte a été adopté par 70 Etats, et parmi eux beaucoup de pays européens. A cette occasion, il faut bien dire que les gouvernements français et espagnol ont été mis à nu. La Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, la Suède et bien d’autres ont approuvé cette résolution de l’Assemblée générale.
Monsieur le Président, Kofi Annan n’a pu imposer la décolonisation du Sahara occidental, quelles sont, selon vous, les chances de son successeur Ban Ki-moon ?Le roi du Maroc Mohammed VI a malheureusement commis beaucoup d’erreurs en ce qui concerne sa gestion de l’affaire du Sahara occidental. Et il a raté beaucoup d’occasions importantes pour lui et pour toute la région. Des occasions précieuses comme ce qui lui a été légué par son père Hassan II, que Dieu ait son âme, tel l’engagement marocain à respecter le plan de règlement de 1991 qui stipulait l’organisation d’un référendum d’autodétermination libre et démocratique. Il n’a pas tenu l’engagement de respecter l’aboutissement des négociations entre le Maroc, le Polisario et l’ONU à Houston. La communauté internationale aussi était optimiste quant à un règlement rapide de la question sahraouie. Elle avait, depuis, décidé d’accompagner les deux parties pour aboutir à un règlement définitif.L’autre occasion ratée a aussi été celle qu’offrait le plan Baker de juillet 2003.Avec toutes ces occasions ratées, le nouveau roi doit assumer une responsabilité dangereuse qui consiste à compliquer les relations entre le Maroc et le peuple sahraoui. Et il rate aussi une occasion précieuse d’édifier le Maghreb et d’en faire profiter son propre pays. Il se contente aujourd’hui d’exhiber une marchandise périmée que personne ne veut acheter, ni les Sahraouis ni la communauté internationale. Cette marchandise périmée qu’est l’autonomie interne, les Sahraouis ne l’ont pas achetée par le passé, ils ne l’achèteront pas aujourd’hui, et ils ne l’achèteront sans doute pas demain.
Que peut faire, d’après vous, le nouveau secrétaire général des Nations unies ?M. Ban Ki-moon trouvera sans doute beaucoup de dossiers sur son bureau, l’un d’entre eux sera évidemment celui du Sahara occidental. Une affaire, dirais-je, simple et claire par rapport à beaucoup d’autres. C’est une affaire de décolonisation que seules les urnes pourront régler. Et les Nations unies se sont beaucoup investies pour aboutir à cette opération référendaire. Elles sont présentes depuis 1991 et fournissent des efforts exceptionnels pour régler la situation dans la région.
Monsieur le Président, vous avez à maintes fois évoqué une possible reprise des armes pour vous faire entendre si la situation restait bloquée sur le terrain. Maintenez-vous cette menace ? Et l’Algérie appuiera-t-elle, selon vous, une telle éventualité de reprise du conflit armé ?Nous avons la légitimité de la lutte. Et les Nations unies approuvent la lutte des peuples pour leur liberté du moment que cette lutte est légitime et vise à aboutir à l’autodétermination. Mais la lutte armée n’est pas un but en soi. Le but est l’autodétermination du peuple sahraoui. La lutte armée est un droit garanti. Nous espérons que personne ne nous contraindra à revenir à la lutte armée. Mais en l’absence de la disponibilité du Maroc et du manque de pressions internationales, nous préserverons notre droit inaliénable à reprendre les armes. En ce qui concerne l’Algérie, je pense qu’elle est attachée à la légalité internationale et au droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Il est de la responsabilité de l’Algérie et de la responsabilité de tous les Etats du monde à nous soutenir pour que nous parvenions à notre objectif.
Monsieur le Président, lors de la dernière visite de José Luis Zapatero à Alger, Abdelaziz Bouteflika lui a rappelé la responsabilité de l’Espagne dans la question sahraouie. En dépit de cela, le Maroc continue d’impliquer l’Algérie et de lui faire porter la responsabilité du blocage de l’UMA. Qu’en pensez-vous ? Le royaume du Maroc utilise cet argument depuis 1975. C’est une façon pour lui d’éclipser la crise qu’entretient ce pays avec son peuple. Il y a aujourd’hui une véritable lutte entre les citoyens sahraouis et les autorités coloniales marocaines. Ils sortent désarmés en n’emportant avec eux que des drapeaux sahraouis pour faire entendre leurs voix. Comment peut-on après tout cela faire dire que l’Algérie est une partie de ce conflit ? Est-ce l’Algérie qui est partie prenante des manifestations qui sont organisées à Dakhla, à Laayoune ou à Smarra ? Est-ce que ce sont les forces algériennes qui séparent les forces de l’ONU et les forces armées marocaines ? Par ces accusations, ils visent l’opinion publique intérieure. L’histoire qui consiste à impliquer l’Algérie est une histoire purement marocaine, qui n’a plus aucun sens aujourd’hui. Nous avons été en lutte contre l’Espagne, et ce pays ne reconnaît pas cette thèse de l’implication algérienne. Nous avons été en guerre contre la Mauritanie, nous avons depuis conclu la paix avec elle, elle nous a remis les territoires qu’elle annexait et elle reconnaît la RASD. L’Algérie est notre voisin, et le voisin du Maroc, et elle a assumé pleinement sa responsabilité dans la défense de la légalité et du droit international.