Prisonniers,mais toujours en lutte
À l’heure où j’écris ces lignes,
33 prisonniers politiques et défenseurs des droits humains incarcérés dans les prisons d’Inzgen, d’Ait Meloul et de Kenitra au Maroc, et El Ayoun au Sahara Occidental sont en grève de la faim depuis le 4 septembre pour protester contre les traitements inhumains qu’ils subissent et pour revendiquer leurs droits légitimes de détenus d’opinion. Saïd Loumadi, qui a commencé le 7 août, a été transféré à l’hôpital où il a refusé l’administration de sérum ; il est depuis sombré dans le coma. Nous avons les plus vives inquiétudes à leur sujet.
En août 2005, alors que j’étais incarcérée à la Carcel Negra (« prison noire ») d’El Ayoun, j’ai fait une grève de la faim avec 36 de mes camarades. Elle a duré cinquante et un jours. Si nous sommes contraints à utiliser ces formes de lutte dans des conditions de détention moyenâgeuses, entassés dans des cellules insalubres, manquant déjà de nourriture, c’est que nous exigeons, là aussi, le respect de notre dignité et de nos droits. Nous revendiquons le statut de prisonnier d’opinion, puisque c’est pour nos déclarations publiques en faveur de l’indépendance de notre pays que nous y sommes jetés. Mais il s’agit aussi de notre sécurité : quatre prisonniers politiques ont été victimes de tentative d’assassinat de la part de prisonniers de droit commun marocains avec qui nous partagions les cellules et qui étaient manipulés par l’administration pénitentiaire pour ces forfaits. La torture est monnaie courante dans cette sinistre prison : 2 détenus sahraouis y sont morts suite aux sévices endurés, la dépouille de l’un d’eux a été rendue à sa famille, menottes aux mains et aux pieds.
Mais la prison n’apaise pas notre ardeur, ni celle de nos familles. Les messages de solidarité qui nous arrivent de par le monde nous font chaud au coeur, ils sont importants, tout comme les démarches faites auprès des autorités marocaines et des gouvernements qui soutiennent ce régime. Les observateurs internationaux (9 avocats et 3 journalistes) venus à notre procès le 13 décembre 2005 s’en sont rendu compte. Ils ont assisté à des débats peu courants : nous étions 14 inculpés. À la barre, nous scandions des slogans indépendantistes, bras levés avec le V de la Victoire. Personne n’a défendu sa cause devant ce tribunal, nous revendiquions notre droit à l’autodétermination. Lors d’une précédente comparution, j’avais dit au président qu’il était illégal dans mon pays et que je n’avais pas à répondre à ses questions. Mais dans ce tribunal, truffé de policiers à l’intérieur comme à l’extérieur, aucun journaliste marocain : un black-out total.
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